UNFORGETTABLE

NAT "KING" COLE

The entertainers, 1990


Je commenterai ici plusieurs disques de Nat "King" Cole pour la bonne raison qu'on trouve souvent aujourd'hui en CD des compilations portant soit sur sa période de jazzman-pianiste soit sur sa période crooner ou encore regroupant les deux. Pour ma part, je ne vois pas de scission radicale entre les deux époques et je ne saurais que vous recommander d'écouter tout Nat "King" Cole. Parce qu'il a été un homme médiatique et a connu un grand succès commercial (y compris lors d'un duo posthume avec sa fille Nathalie), cet artiste n'est pas en odeur de sainteté aujourd'hui. Pourtant, nombreuses sont les stars du jazz qui lui sont redevables et Diana Krall notamment lui a rendu un vibrant hommage dans son album "All For You"(Impulse! IMP 11642 Universal, 1995).

Comme vous vous en rendez compte en me lisant, j'ai une tendresse toute particulière pour ce chanteur que j'ai écouté bien avant de découvrir le jazz. Nat "King" Cole a en effet enregistré quelques "grandes exitos en espanol" aussi réjouissants les uns que les autres. L'accent afro-américain de Cole achoppant bien évidemment sur la difficile prononciation des r et des j espagnols crée une toute nouvelle langue chaude, vibrante, électrisante. Les chants traditionnels latino américains, orchestrés à grand renfort de cordes sont lustrés par le timbre inimitable et prennent une toute nouvelle saveur. Ecoutez "Yo vendos unos ojos negros" et bien sûr "Quizas, quizas, quizas"! Je vous garantis que vous saurez alors ce que "douceur rugueuse" veut dire... "Perfidia", "Cachito", "Solamente una vez "et "Vaya con dios" sont d'autres morceaux de bravoures qu'il entonne avec une gaieté indescriptible.

Lorsque vous aurez goûté à ces friandises latines, vous souhaiterez peut-être prolonger la route par la face purement américaine de NKC. 

Né en mai 1917, Nathaniel Adams Cole, fils de pasteur, a débuté une riche carrière de pianiste avec les "Solid Swingers", l'orchestre de son frère Eddie. Dans les années 1930 il perce avec son trio constitué originellement d'Oscar Moore (guitare)et de Wesley Prince (basse). La batterie est remplacé par la guitare et cette formule fera bien des émules d'Oscar Peterson à Ahmad Jamal en passant par Ray Charles. La légende raconte que sa voix, qui allait devenir l'une des plus populaire de la planète se fit entendre pour la première fois au Kelly's Stables sur la 52ème rue, un soir où lady Day, qu'il devait accompagner, ne se montra pas. Pianiste virtuose (aux côté des plus grands: Lionel Hampton ou Count Basie), il impose aussi très tôt sa voix de crooner et enregistre en 1940 "Sweet Lorraine". "It's only a paper moon" swingue à shouaits, tout comme "Honeysuckle Rose" et la longue et fascinante "Route 66". Peu à peu, le musicien s'éclipse et laisse la place au chanteur de charme (annonciateur par son phrasé du Be-Bop). Beaucoup considèrent que son apogée correspond aux années 1940-1947. Pourtant, avec la perfection des arrangements des chansons des années suivantes et sa voix toujours aussi envoûtante on peut juger qu'à défaut d'être aussi novateur et audacieux qu'auparavant, Nat "King" Cole incarne pendant les années 1950 la séduction, et la distinction. Son "Nature Boy" mystifie, "Unforgettable" vous transporte par sa simplicité, "Papa Loves Mambo" égrène de véritables notes d'humours, fait danser et chanter et "When you're similing" (que Woody Allen incluera au générique de "Maudite Aphrodite") symbolise tout un état d'esprit. 

Cette voix aux inflexions suaves et sucrées lui vaudra d'être adulé par les noirs comme par les blancs. Cheveux gominés, costume tirés à quatre épingles, fume-cigarette seront ses accessoires fétiches et lui donneront une certaine classe. Devenu star hollywoodienne, Nat multipliera films ("The Blue Gardenia" de Fritz Lang, "Saint Louis Blues") et shows télévisés. Ce grand monsieur alliant insouciance distinguée et séduction vocale décédera le 15 février 1965 d'un concert de la gorge. Unforgettable, that's what he is...

Nat King Cole