Une brève histoire du jazz

 

 

Nous explorerons le jazz depuis les origines, le blues, l'âge d'or du swing, la rupture be-bop, jusqu'aux tentatives de fusion d'après les seventies.

 

 

Les Origines

 

Aux origines du jazz on trouve les work songs des esclaves noirs aux États-Unis qui sont très proches de la musique africaine traditionnelle. Avec le mouvement religieux de 1750, The Great Awakening, les noirs sont évangélisés et commencent à chanter des Spirituals et des Gospels (qui s’éloignent des formes vocales d’Afrique et deviennent purement afro-américains). 

 

Louis Armstrong

La plus grandes chanteuses de Gospel est Mahalia Jackson (interprète d'In the upper room ou d'Amazing Grace) née en 1921 mais mon disque préféré reste "The Good Book"de Louis Armstrong enregistré en 1958. D’autres chanteurs (dont certains sont preacheurs ) sont célèbres comme Areta Franklin (née en 1942, interprète de Respect ou Think) qui deviendra star de Rythm’n Blues et le Golden Gate Quartet (Joshua fit the battle of Jericho).

 

image d'un disque

Télécharger un extrait de "Go Down Moses" (Louis Armstrong)

 

 

Au commencement était le BLUES...

 

 Ce style musical, qui est aussi une manière d’ « être-au-monde » naît dans les états du sud après la guerre de sécession. Chant du cafard et de la mélancolie des noirs déracinés qui vont s’entasser dans les ghettos du nord, le blues a une structure de 12 mesures découpées en une séquence harmonique de type AAB organisée le plus souvent autour de trois accords (tonique, sous-dominante, dominante). Les notes bleues sont les altérations des 3ème et 7èmes degrés de la gamme diatoniques-hésitation de la gamme entre mode majeur et mode mineur.

 

La chanteuse de blues la plus célèbre est Bessie Smith (1898-1937). B.B. King (à ne pas confondre avec B.E. King le chanteur de stand By Me) et sa guitare Lucille sont les précurseurs du Rock and Roll et John Lee Hooker né en 1917 est un mythe vivant et continue aujourd'hui de sortir des albums (et des duos avec Carlos Santana...)

 

 

L’âge d’or du SWING

 

Si le ragtime (Scott Joplin et son fameux "The entertainer" de la méthode rose) et le boogie woogie sont aussi des musiques noires, la forme la plus fameuse du jazz demeure le swing et notamment celui né à la New Orlean. En Louisiane, les esclaves connaissaient des conditions de vie plus souples : les idées égalitaires de la révolution française circulent et les maîtres blancs autorisent les noirs à chanter et danser sur Congo Square pour canaliser leurs menaces de rebellion. Parmi les grands musiciens de cette époque (avant 1917) dont la musique nous est parvenue: Louis Armstrong (trompette) et Sidney Bechet (clarinette).

 

 En 1917, l’armée réquisitionne la zone portuaire. Les musiciens sont contraints de fuir à Chicago. Pour la première fois la musique New Orlean (mélange créole et africain) est enregistrée. Lorsqu’elle est jouée par des blancs, sous une forme un peu édulcorée, on parle de Dixieland.

 

 L’âge d’or du swing se situe entre 1935 et 1945: le tempo est régulier, la pulsation fondamentale, notamment sur l’"after-beat" ou "contretemps" et l’improvisation primordiale. La musique provoque un effet de balancement et invite à la danse (Glenn Miller et In The Mood). A l’origine créé par les musiciens noirs, le swing a vite puisé dans les comédies musicales écrites par des blancs: Georges et Ira Gershwin, Cole Porter, Richard Rogers. Ce sont les fameux standards. C’est aussi l’époque où le jazz est véritablement populaire et où on découvre le dernier Duke Ellington comme le dernier Goldman ou Oasis aujourd’hui.

 

Deux grands clubs de New York nourrissent l’imaginaire des musicines swings: le Cotton Club et le Savoy Ballroom. S’y produisent les big bands commeDuke Ellingtonceux de Duke Ellington (interprète de Take The A Train, Perdido, Solitude, Caravan) et Count Basie (pianiste virtuose). Le grand orchestre blanc de l’époque est dirigé par Benny Goodman (fabuleux clarinettiste- Christian Morin est battu).

 

  Parmi les stars de l’époque, on peut citer Cab Calloway (mort en 96), le créateur de « Minnie The Moocher », chanson qu’il interprète dans le film des Blues Brothers. (Hi de Hoo) et le Nat King Cole Trio car avant d’être crooner Nat King Cole est un excellent pianniste ("Sweet Lorraine").

 Les deux grandes chanteuses de l’ère du Swing

 

C’est l’époque des débuts d’Ella Fitzgerald qui cartonne au Savoy dans l’orchestre de Chick Webb,son mari, avec « A ticket a Tasket » et « Mr Paganini ». Chick Webb, batteur bossu et atteint de tuberculose osseuse meurt en 1939. A 21 ans, Ella décide de mener seule sa carrière qui culmine jusqu’au milieu des années 60 sous le label Verve (Norman Grantz) (Ella in Berlin1960). Elle enregistrera tous les standards de la musique américaine dans les fameux Song Books et restera la plus grande scateuse. Si on lui reproche une certaine froideur dans son interprétation des ballades, elle est reconnue par tous comme celle qui sait apporter aux paroles les plus banales « ce tout petit supplément d’âme » qui les transforment en hits ("Mack The Knife"). Elle a un timbre qui a l’éclat du cristal, humour et vitalité et une virtuosité incomparable ("How Hight is the moon"). Jusqu’à la fin sa production est hétéroclite (Swing, Be Bop et jazz Samba) et flamboyante ("On The Sunny Side of The Street" ). Elle décède en 1996.

 

Billie HollidaySa contemporaine Billie Holliday (Lady Day) est son exacte opposée. Elle porte en elle la quintescence du Blues qu’elle sert à merveille: misère, drogue et viol. Après guerre, elle poursuit son succès avec une voix uséee et blessée par les excès ("Lady in Satin"). Elle meurt en 1959. Sa carrière tragique se confond avec celle du saxophoniste Lester Young.

 A la même époque sur les bords de la seine Django Reinhardt (guitare) (on en parle beaucoup dans "Accords et Désaccords" de Woody Allen)et Stephane Grapelli inventent un swing bien français (Nuages) au sein du Quintette du Hot Club de France (1934).

 

 

L’Esthétique Be-Bop

 

 Après guerre, de jeunes musiciens refusent le cadre rigide du swing et la lourdeur des grands orchestres. A Harlem, dans la 52ème rue, ces novateurs -Charlie Parker dit Bird-("Koko", "Laura")- et Dizzi Gillespie-("A night in Tunisia" ) - rivalisent dans des jam sessions pendant lesquelles ils inventent le Be Bop. Le rythme est syncopé et la cadence des morceaux triplée. Les grilles d’accords bouleversées: des accords de passage retardent l’attente trop attendue d’un accord: entre SiB7 et MiB on intercale Sim7 et Mi. Les boppers accumulent les tierces superposées au delà de l’octave. Avec cette transformation, les vieux standards deviennent méconnaissables et changent de noms.

Le producteur Norman Grantz organise dès lors les concerts JATP (Jazz At The Philarmonic) qui tentent de regrouper sur la même scène des musiciens des deux générations (avant et après le Bop.)

 

C’est la grande époque du label Blue Note qui édite notamment Art Blakley (mort en 92) (le batteur et le meneur des Jazz Messengers), Thelonious Monk (mort en 82) (le pianiste compositeur de Round About Minight)et Dexter Gordon (mort en 90) (Le saxophoniste ténor qui joue le jazzman dans le film de Bertrand Taverneir « Autour de Minuit »).

La chanteuse bop par excellence est Sarah Vaughan dite « la divine ».Sa voix est un véritable instrument. Elle a une tessiture impressionnante (du baryton au vibrato) et maîtrise toutes les suggestions harmoniques.

Sarah Vaughan, la divine

 

 Les avatars et prolongements du Bop

 

Ils naissent dans les années 50 et sont difficiles à distinguer du « Bop pur »:

  le Cool à la "sonorité veloutée et vaporeuse, sobre et dépouillé" (Noël Balen) s’oppose au style plus hot des boppers new yorkais. Ses plus grands représentants sont Miles Davis et l’arrangeur Gil Evans (Birth of The Cool, Kind of Blue, Sketches of Spain)-Trompette- et Stan Getz.-Saxophone- (At The Shrine),[ En 1962, Getz découvre et fait découvrir le jazz samba, mélange de jazz et de Bossa Nova-Desafinado, the girl from Ipanea avec Astrud Gilberto et Carlos Jobim. Getz connaît alors le succès mais le discrédit auprès des fans de la première heure], Chet Baker (voix et trompette), Lee Koonitz (saxophoniste: il gravera un album en duo avec Pettrucciani dans les années 80). On peut rattacher à ce mouvement le pianiste Bill Evans (conversations with myself) et le saxophoniste John Coltrane ("Ballads", "Blue Train") qui développera un mysticisme profond lequel rendra sa musique spirituelle et quasi religieuse ("A Love Supreme").

 

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Télécharger un extrait de "So What" (Miles Davis)

 

Stan Getz Chet Baker
Stan Getz, The Sound Chet Baker, l'ange déchu

 

 

 Sur la Cote ouest (West Coast Jazz), le pianiste Dave Brubeck triomphe avec Take Five et Blue Rondo a la Turk ce qui lui vaut l’animosité d’un public jaloux des succès commerciaux. Il ne se remettra jamais du départ de Paul Desmond (saxo) de son quartet.

 

Le Hard Bop se caractérise par des rythmes moins complexes que ceux du Bop et le retour aux sources du Blues et du Gospel. C’est une résurgence identitaire des noirs qui considèrent que le cool est une musique aseptisée pour blancs. Ses principaux représentants: Art Blakley ("Moanin’"), Herbie Hancock ("Watermelon man"), Sonny Rollins (sax alto), Cannonball Adderley ("Somethin’Else").

Ces catégorisations sont vagues et contestées. Sur l’album « Somethin’Else » de Cannonball Adderley, on trouve ainsi un musicien Bop dans la lignée de Parker (Adderley), un cool (Davis) et un hard Bop (Blakley): en réalité, l’ antagonisme stylistique est tout à fait relatif.

 

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Télécharger un extrait de "Autumn Leaves " dans l'album Somethin'Else

 

La grande confusion après 1970

 

 Ces mouvements perdurent jusqu’aux années 70 date où le jazz éclate et se fond avec d’autres musiques. Rien ne sera plus vraiment clair dès lors.

 Dans les années 60, le radicalisme noir (black panthers et black muslims) se développe et avec lui le free jazz (créé par Ornette Coleman): le swing (balancement régulier) disparait, le thème est rejeté au profit de figures rythmiques et de mélodies sinueuses sans liens les unes avec les autres, les bruitages apparaissent et les jaillissements sonores et cris sont encouragés. Personnellement j' ai du mal à apprécier cette musique déstructurée qui a poussé la logique de déconstruction jusqu'à l'extrême limite.

En 1969, avec In a silent way et Biches Brew, Miles Davis branche sa trompette sur l’électricité. C’est la fusion qui révolutionne le jazz, lequel devient jazz-rock. Les effets wa-wa sont utilisés ainsi que les synthétiseurs: c’est la période funkie d’Herbie Hancock et de Chick Corea.

 

Dans ce tumulte sonore, certains tel Keith Jarreth s’efforcent de revenir à un son acoustique au sein du label munichois ECM, « le plus beau son après le silence » dit la pub.Dans "The Koln Concert" 1975 ou "La Scala"-1997 Jarret donne des concerts au piano totalement improvisés et en dépit de certaines longueurs atteint parfois le sublime. Son dernier album "The Melody At Night With You"-1999- est axé sur des ballades d'une douceur infinie.

 

Aujourd’hui, les styles cohabitent et s’entremêlent:

on note quelques spécificités:

  • françaises avec Martial Solal (sax), Michel Portal (Piano), Eddy Louiss (orgue: Conférence de presse), Pettruciani (décédé en 1999) (piano) ou Richard Galliano (Bandonéon),

  • latines avec Ray Baretto, percutionniste new-yorkais portoricain.

Les frontières du jazz, rythm and blues (Ray Charles), soul (James Brown, Otis Redding, Marvin Gaye), funk, Rap et rock sont de plus en plus floues. Le jazz d'aujourd'hui est universel.